Pendant longtemps durant sa première année à Fidelitas, le jeune homme s’était posé la question de savoir s’il était fait ou non pour le métier de professeur, s’il n’aurait finalement pas mieux fait de rentrer chez lui & essayer de retrouver un travail en tant que médicomage. Puis il avait finalement comprit que oui, il se débrouillait parfaitement bien dans son nouveau travail & qu’il fallait juste qu’il travaille parfaitement ses cours pour être sur de ne pas dire d’ânerie, il avait donc passé l’année dernière à parfaire ses connaissances & à lire d’innombrable livres sur la biologie magique. S’il avait passé sa première année en tant que professeur à bouffer des connaissances & à flirter avec une de ses élèves, Simon avait décidé de passer sa deuxième année complètement autrement, il avait déjà ses cours & avait prit ses habitudes au sein de l’établissement, il voulait en profiter beaucoup plus. Il vérifiait toujours avant de répondre aux questions, instaurant un système où les élèves laissaient des bouts de parchemin au début & fin de cours sur son bureau & lui y répondait lors du prochain cours, ça lui permettait d’avoir toujours le temps de vérifier ce qu’il disait avant d’y répondre. Il passait donc environ une heure par jour à la bibliothèque & parfois un peu plus afin de dénicher un bouquin qu’il n’avait pas encore lu sur la biologie magique pour continuer à approfondir ses connaissances jusqu’aux moindres détails. Mais ce n’était rien comparé aux soirées qu’il passait ici l’année dernière, parfois même nuit, c’était la bibliothécaire qui le réveillait lors de son arrivée le matin. Oui, l’ancien Médicomage avait énormément travaillé pour être sûr d’être au maximum, il avait d’ailleurs sympathisé avec quelques uns de ses élèves & élèves tout court, après tout il n’avait que 25 ans & ressemblait à n’importe quel jeune homme de cet âge. Il passait ses week-ends dans les bars avec des gens qui étaient bien souvent ses élèves, où il s’amusait à partir dans un pays étranger grâce au transplanage pour deux jours. Ramenant souvent une fille pour un aller simple dans son lit. Il n’y avait pas à dire, s’il avait finit par aimer cette vie il y a un an, il l’adorait désormais.

Et il y avait un truc qu’il adorait faire sur le coup mais, détestait après … Les interrogations. En faire lui permettait de rappeler à chaque personne se trouvant dans la salle qu’il avait l’autorité. Parce qu’il ne faut pas oublier que réussir à s’imposer face à des personnes qui ont parfois un ou deux ans de moins, c’est difficile, ils vous prennent pour un ami plus que pour un professeur. Et bien souvent se moquent complètement de ce que pouvait dire, estimant également bien souvent que le travail que vous leur donner n’est que superflus & n’a aucune utilité. S’il faisait toujours en sorte de donner le strict minimum à faire, il était évident pour lui que chacun devait apprendre le cours, surtout qu’il avait passé de nombreuses heures à le préparer. Alors l’interrogation était un moyen efficace de rappeler que d’un, les cours n’étaient pas là pour faire jolie & de deux que s’ils pensaient que Simon était un sadique pour donner parfois des parchemins de cours à apprendre, il pouvait se montrer bien pire. Allant poser des questions sur de minuscule détail. Heureusement, il n’avait que très rarement l’occasion d’aller jusque-là.

Pourtant aujourd’hui il avait dû aller jusqu’à cette extrémité & maintenant il était coincé à la bibliothèque pour deux bonnes heures de correction. La plume magique en l’air, il prenait le temps de lire chaque parchemin, de faire des annotations, rajouter deux ou trois commentaires, relire le tout & finalement attribué une note. Oui il en avait pour un moment mais, il préférait s’en débarrasser dès le soir même pour pouvoir aller boire un coup après. […] Finalement après seulement une heure et demi, il rangea sa plume magique, donna un coup de baguette pour que les parchemins se rangent parfaitement dans sa sacoche & respira longuement pendant plusieurs minutes, indécis sur ce qu’il allait faire désormais ? Boire un coup ou retourner dans son appartement pour passer une soirée tranquille ? Sans réfléchir, il su parfaitement ce qu’il allait faire. Se levant pour aller au bar du coin, il remarqua que la bibliothèque était pratiquement vide, regardant l’heure, il savait qu’à 20h le bar serait plein d’élèves qui préféraient se bourrer plutôt que de rester travailler. Pourtant une personne était là pour prouver le contraire.

Se rapprochant lentement de l’élève, il s’assit à ses côtés alors qu’elle semblait plonger dans un devoir très peu passionnant selon lui. « Encore à travailler Faust ? » dit-il avec un petit sourire.

Il se faisait tard. Tout autour du château, les ténèbres avançaient dans le souffle silencieux de la nuit tombante, engloutissant tout sur leur passage. Cela n'effrayait pas la plupart des élèves qui préféraient sortir boire un verre au bar du coin que de rester cloîtrés à l'université. Cette activité, fortement dérisoire, était plus commune aux Redstone qu'aux élèves des autres maisons. Du moins, ce n'était que l'humble avis d'une Silverwind, à savoir Faust. Trop réservée pour ne serait-ce qu'essayer d'aller vers les autres, elle préférait aux soirées alcoolisés et souvent synonymes de stupidités, les grimoires et les livres. Au moins, on avait pas besoin de se creuser la cervelle pour trouver une quelconque idiotie à raconter à livre, tout simplement parce que ce dernier n'était pas réellement disposé à tenir la moindre conversation.

Ce soir-là, Faust s'était rendue dans l'immense bibliothèque de Fidelitas pour y terminer un devoir. Le silence complet s'était fait autour d'elle et elle remerciait grandement ses congénères d'avoir déserté le camp. Leur bourdonnement d'inepties lui causaient des interférences dans son travail qu'elle tentait malgré tout de faire sérieusement. C'était déjà ça de moins et cela lui permit d'arriver plus rapidement à la conclusion de son devoir. La plume levée, les sourcils froncés par la concentration, Faust se démenait mentalement à formuler la phrase de sa conclusion. Il était toujours difficile d'achever un devoir proprement. En général, cela ne lui prenait pas dix secondes pour penser à une tournure plaisante. Dans le cas contraire, elle se contentait de quelques mots juxtaposés de la manière la plus correcte dont elle était capable puis elle laissait tomber.

Alors qu'elle s'apprêtait à reposer la pointe de sa plume sur le parchemin neuf, elle sentit quelqu'un se glisser dans son dos pour ensuite s'asseoir sur la chaise voisine, la coupant dans son élan. D'autant plus qu'elle avait parfaitement reconnu le parfum du nouveau venu, ainsi que son pas lent et décontracté. Elle n'eut pas besoin de voir pour deviner de qui il s'agissait. « Encore à travailler Faust ? »

Cette chaleureuse voix aux tons tendrement moqueurs la fit frissonner mais elle se contenta de répondre d'une voix égale, un sourire s'étalant sur son visage : « Finement observé, Fisher. ».

Elle écrivit rapidement cette satanée phrase de conclusion puis reposa sa plume. Ce ne fut que là qu'elle se tourna vers son "ami", qui n'était autre qu'un professeur de l'université, l'un des plus jeunes. Elle n'aurait pas su définir quel genre de relation elle entretenait avec lui. Le seul mot qui lui venait à l'esprit lorsqu'on lui posait la question était "platonique". Se rendant compte qu'il ne dirait rien d'autre, son regard pétillant posé sur elle, elle décida de prendre la parole:

«Je t'ai vu travailler un peu plus loin, tu semblais extrêmement concentré. Les âneries de tes élèves sont-elles à ce point nocives pour le cerveau ? Parce que si c'est vrai, je vais peut-être éviter de me lancer dans l'enseignement après mes études...»

«Je t'ai vu travailler un peu plus loin, tu semblais extrêmement concentré. Les âneries de tes élèves sont-elles à ce point nocives pour le cerveau ? Parce que si c'est vrai, je vais peut-être éviter de me lancer dans l'enseignement après mes études...»

Rigolant ouvertement, il se dit que ce n’était peut-être pas une si mauvaise idée après tout il avait toujours vu Faust travailler de manière acharnée & avait l’intelligence pour faire des choses beaucoup plus importantes que de donner des cours. Simon n’en doutait pas, et il savait qu’elle devait le savoir. « Tu ne peux pas imaginer à quel point. » Il en venait parfois à se demander si la personne qui avait écrit les réponses avaient réellement assisté à son cours parce qu’il semblait impossible que ce soit le cas. Certaines réponses provenaient de l’imagination de la personne & il fallait avoué que certains de ses élèves avaient une imagination débordante. Peut-être auraient-ils dû se lancer dans une carrière d’écrivain plutôt que dans la santé. « Parfois je me dis que d’essayer de faire ami avec un dragon serait plus simple que d’arriver à les faire s’intéresser à la base de ce qu’ils feront plus tard. » Souriant, il jeta un coup d’œil sur la copie de la jeune Silverwind pour savoir ce qu’elle était en train de travailler & fut ravi de voir qu’elle avait finit, avec un peu de chance elle sortirait enfin dans un bar profitait de la vie.

Faust n’avait que 20 ans, elle ne pouvait pas passer son temps dans la bibliothèque. L’université n’était pas faite seulement pour apprendre de nouvelles choses selon lui, c’était également un des meilleurs moments de sa vie, avoir tout juste 20 ans, sentir qu’on pouvait tout faire, faire tout ce qu’on désirait, sans jamais imaginer qu’on en est peut-être pas capable. Il avait vu ses 20 ans comme ça. Il faut dire que 5 ans plus tard, il ne voyait pas vraiment les choses différemment.

Simon pensait toujours qu’il pouvait rester professeur s’il le voulait, redevenir médicomage si demain ça lui venait en tête. La réalité c’était qu’il le pouvait, ça ne serait probablement pas facile vu que l’endroit où il avait exercé ne lui ferait probablement pas un très bon parchemin de recommandation mais, il le pouvait. Pourtant sa seule envie était de continuer à faire ce qu’il faisait aujourd’hui malgré le fait que la plupart de ses élèves ne s’intéressaient pas à ce qu’il pouvait dire. Et surtout, vivre sa vie comme il le voulait. C’est sûrement stupide mais, il ne supportait pas qu’on lui dise quoi faire, quoi dire, comment se comporter. L’autorité et lui ? Non, pas les meilleurs amis du monde.

« Oui mais, tu as encore un peu de temps avant de voir si tu veux supporter les âneries de certains. En attendant rassures-moi & dis moi que tu allais sortir pour profiter de la soirée & pas continuer à travailler je-ne-sais-quoi. » Il lui sourit, il avait vraiment du mal à imaginer que la jeune femme ne soit pas constamment entouré de garçon tentant une approche plus ou moins subtile.

« Oui mais, tu as encore un peu de temps avant de voir si tu veux supporter les âneries de certains. En attendant rassures-moi et dis moi que tu allais sortir pour profiter de la soirée et pas continuer à travailler je-ne-sais-quoi. »

Faust sourit à cette remarque. Ce n'était pas la première fois que Simon essayait de la sortir de son trou. Elle lui avait pourtant moult fois expliqué que les endroits sombres et bondés, c'était pas son truc. Ce qui n'empêchait pas son ami de revenir à la charge dès qu'il le pouvait. Quelques secondes passèrent sans que l'un ou l'autre ne prononce un mot. Faust jaugeait Simon du regard, observant chaque expression, chaque tic qui pouvaient, l'espace d'une nanoseconde, déformer les traits de son visage. Ses iris rieuses se contractaient d'excitation, les pupilles se dilataient alors, rendant son regard à la fois fiévreux et pétillant.
Il devait sans doute être fatigué par son travail de correction et la perspective d'aller noyer tout ça dans un verre d'alcool devait susciter en lui une sensation qui mêlait liberté et soulagement.

Elle-même sentait son coeur si fragile terrassé par l'appréhension. Un léger tremblement s'était épris de ses mains. Tout cela semblait imperceptible vu de l'extérieur mais Faust avait appris à masquer ses émotions. Et c'était son corps tout entier qui bouillonnait d'angoisse et d'hésitation. Le tumulte dans ses veines sembla pourtant se calmer lorsqu'elle finit par hocher de la tête d'un air entendu, sa voix incontrôlée et incontrôlable répondant à Simon sur un ton calme : "Pourquoi pas."

Mais une idée, aussi brillante que soudaine, lui traversa l'esprit. Pourquoi devaient-ils forcément sortir de l'enceinte de l'université pour savourer l'apaisement ? Avant même que Simon ait pu ne serait-ce qu'envisager d'ouvrir la bouche, Faust avait refermé l'énorme grimoire qui trônait sur la table et ajouta, à voix basse: "Et si on se contentait de rester ici et d'en goûter la tranquillité ? Sans vouloir faire ma rabat-joie, je ne trouve pas que de se rendre dans un bar grouillant d'étudiants bruyants m'aidera à trouver la paix après tant de travail."