Je suis né dans un grand parc d’attraction français : Disneyland Paris. Et le 1er Avril connu pour être le jour des farces et des fameux « poissons d’Avril ». Mais ma naissance n’a rien d’une blague de mauvais goût. Ma mère a perdu les eaux dans durant la parade et l’équipe de sécurité et de soins l’a fait accoucher sur le char de la belle au bois dormant. Une arrivée sur la scène de la vie, sous les projecteurs et les feux de la rampe ! Enfin moi j’aurais préféré, si on m’avait demandé mon avis, naître dans un hôpital près de notre maison à Lyon, mais bon ma mère avait absolument voulu aller à Disney malgré son état. Bon ceci dit grâce à ça j’ai gagné mes entrées à vie dans ce parc. Pas de quoi faire la fine bouche. Mon père, Archibald Petitjean était un sorcier d’exception travaillant au sein de la coopération magique internationale. Ma mère, Gladys née Thorne, australienne ayant migré en France, était une femme d’une rare beauté. Il paraitrait même qu’elle descende d’une lignée de Vélane. Elle exerçait en tant que médicomage, spécialisée dans les blessures dues aux maléfices. Ai-je eu une enfance heureuse ? Oui. Etais-je heureux ? J’ai toujours voulu le croire. Avec des parents travaillant dans ces institutions-là il était certain que je ne les voyais pas souvent. Même très peu. Alors j’ai plus grandi au contact des livres que de mes parents. Il y avait ma grand-mère qui m’a donné énormément d’affection. On ne peut pas lui enlever ça. Cependant, cela ne comblait pas l’absence de mes géniteurs. Pouvais-je leur en vouloir ? Oui et non. Mais j’ai pris le parti de ne jamais rien dire, de rester dans mon coin et d’apprendre. J’ai beaucoup lu. Beaucoup trop peut-être, jusqu’à faire de moi une espèce de petit génie en herbe. Pour moi c’était la norme et je ne comprenais pas pourquoi moi j’arrivais à répondre à des questions difficiles alors que mes camarades de classe, déjà me détestaient, et ne savaient pas répondre. Et dans tout ça, ai-je cru que mes parents filaient le parfait amour ?

_ Midas va te coucher il est tard, murmura sa mère avec un chuchotement délicat et affectueux. Du moins lorsqu’elle parlait à son fils elle prenait toujours ce ton.
Le petit bonhomme, du haut de ses sept ans hocha la tête et monta les escaliers afin de rejoindre sa chambre. Il grimpa dans le lit et s’enfouit sous les draps. Un petit soupir s’échappa de ses lèvres graciles. En bas, Archie étaient debout devant la cheminée tandis que Gladys était toujours assise dans le fauteuil.
_ Archie … je vais demander le divorce, annonça-t-elle d’une voix faible mais assurée.
L’homme ne réagit pas tout de suite, puis comme si on l’avait actionné, se tourna lentement vers sa femme. Ses yeux bleus plongèrent dans ceux gris de son épouse et durant un instant rien d’autre ne sembla exister que ses pupilles. Qui disaient l’envie, qui disaient l’amour, qui disaient : Midas. Il leva une main, qui tenait une baguette, et dans un petit mouvement souple il la dirigea vers le plafond qui pendant une seconde fut recouvert d’un voile d’une transparence bleutée.
_ Hum … et pour Midas ?
_ Il … il est très intelligent tu sais. Il comprendra.
_ Soit. Es-tu sûre de ta décision ?
_ Je crois qu’elle s’impose d’elle-même.
Ils se regardèrent pendant quelques instants puis la femme se leva. Elle s’avança vers Archibald et leva une main. Elle retint son geste et son souffle avant de la poser sur son torse. Elle mena son regard une nouvelle fois vers le sien et déposa un baiser sur sa joue. L’homme soupira. A l’étage, un petit garçon s’était déjà endormi.

Mes parents donnèrent l’illusion du couple uni pendant une année entière, sans que personne ne se doute de la décision prise ce soir-là. Sans que moi-même j’en ai la moindre impression. De toute façon que pouvais-je savoir moi au fin fond de la bibliothèque ? J’avais 8 ans lorsqu’ils m’annoncèrent la nouvelle. Ma mère me serra fort contre elle et mon père m’assura que cela ne changeait rien à l’amour qu’ils avaient pour moi. L’amour qu’ils avaient pour moi ? Je ne les voyais quasiment que deux soirs et demi par semaine, et même s’ils m’abreuvaient de câlins et de caresses il n’en demeurait pas moins que je ne pouvais remplir aucune jauge avec l’amour qu’ils me transmettaient à ce moment-là. Je crois c’est là que je me suis découvert. J’avais 8 ans, mais je sentais en moi quelqu’un de plus grand, de plus mature, et n’allez pas imaginer des choses salaces ! Tout ça pour dire que ma mère avait raison, j’étais intelligent, assez pour comprendre ce qui se passait et ce qui allait arriver. Mon père quitta le domicile familial. Et pourtant entre eux deux il y avait toujours l’amour, il y avait toujours moi. Mais l’étincelle s’était tue, elle s’était faite ténue. Tellement que les deux adultes avaient préféré en finir plutôt que de se complaire dans un passé révolu. Leur profession, leur aspiration, tout les avait rapproché, pour finalement les braquer sur deux voies totalement opposées. Il y avait moi au milieu de ces routes. J’existais. Et je prenais conscience de cette existence. Pendant 8 ans j’avais été invisible, insignifiant, toujours prêt à l’abnégation pour ne pas entendre le bruit d’une vie qui m’attendait. Jusqu’à ce que je décide de la prendre en main.

_ Bonjour Madame Petitjean je …
_ Thorne, Madame Thorne, s’il vous plait.
_ Très bien, asseyez-vous Mme Thorne. Merci d’être venue.
Les deux femmes prirent assise de part et d’autre du bureau de chêne finement ouvragé.
_ Midas a un comportement que nous ne lui connaissions pas au sein de l’établissement. Oh rassurez-vous, il a toujours de bonnes notes, de très bonnes d’ailleurs, et reste un garçon enjoué. Un trop d’ailleurs. Il apparait aux yeux de ses professeurs qu’il ne mesure plus le danger.
_ Que voulez-vous dire par là ?
_ Eh bien, cela fait quelques jours qu’il monte sur le toit de l’école et qu’il saute. Il ne se blesse jamais, après tout les jeunes sorciers ont la magie en eux. Cependant, cela commence à perturber ses petits camarades. Certains parents d’élèves commencent même à parler …
_ Qu’ils parlent donc ! J’aurais une discussion avec mon fils et je vous fais la promesse que cela ne se reproduira plus.
Gladys adressa un signe de tête entendu à la directrice de l’école puis se leva. Elle sortit de l’école et emmena son fils qui attendait. Arrivés chez eux, elle le laisse se débarbouiller et revenir dans le salon.

_ Midas, il faut que tu arrêtes de faire ce que tu fais à l’école. C’est important.
Le jeune garçon la regarda, le regard muet d’expressions. Il ne cilla pas, pas même devant le regard métallique de sa mère.
_ D’accord maman.
Elle le serra contre lui.

Ma mère et moi on se comprenait mutuellement. Deux volontés de fer qui n'avaient à souffrir d'aucune faiblesse. Cette femme était forte et il voulait l'être autant qu'elle.
J’étais devenu un vrai bout-en-train. Et ce que je ne n’expérimentais plus à l’école je le faisais en dehors. Dans les près reculés ou dans les granges abandonnées avec mes amis, parce que maintenant que je m’étais décoincé, j’en avais. Comme l’avait dit la directrice, je n’avais aucune notion du danger, du bien ou du mal. Etait-ce anormal après tout ? Après ces presque 10 ans passé enfermé ? J’étais doté d’une intelligence naïve mais j’avais aussi acquis un esprit libre, une pensée fertile, un caractère qui s’affirmait. Et de quelle façon ! J’étais devenu hyperactif, touche-à-tout, je répondais lorsque ça ne me convenait pas ou lorsque j’estimais être dans mon bon droit. Mon adolescence ne fut de tout repos pour personne ! Non je n’ai pas touché aux drogues ni à l’alcool, après tout, on disait de moi que j’étais déjà tellement taré sobre, sous l’emprise de quelques substances illicites je serais devenu complètement incontrôlable. A Beauxbâtons, l’Institut où j’ai effectué mes études lycéennes j’étais toujours un bon élève, même studieux. Mais j’étais aussi bon en sport. J’ai intégré l’équipe de Quidditch de ma maison en tant qu’attrapeur. A vrai dire sur ce coup-là mon côté hyperactif a joué en ma faveur. J’étais vif et pétillant. Je voyais les changements dus à mon comportement. Mon corps et mon esprit se forgeaient, faisant de moi quelqu’un de fréquentable. Je n’avais plus peur d’aller de l’avant et d’aller vers les autres. Extrêmement sociable et extraverti on aimait ma compagnie. Mais c’était surtout moi qui avais besoin de compagnie. L’idée d’être seul m’était devenue insupportable. J’étais resté tellement longtemps seul parmi livres et parchemins que maintenant je profitais de la vie et j’avais décidé de la prendre que du bon côté. Rien ni personne n’arrivait à me faire descendre de mon nuage d’optimisme. L’insouciance était mon cheval de bataille sans que je m’en rende compte. J’ai connu à cette époque mes premières amours. Et dans ce domaine j’étais encore un aventurier, me découvrant une attirance ambigüe envers garçons et filles, sans que je puisse me décider. Là-dessus j’ai toujours laissé les choses se faire sans forcer aucune nature.

Après le lycée, j’ai décidé d’intégrer l’université Fidelitas afin de parfaire mon cursus pour devenir médicomage. Au fils des années j’avais pu découvrir et me rapprocher de ma mère plus que de mon père et de ce fait comprendre ce qui la faisait vivre. Au-delà de faire mon bonheur, elle aimait sauver des vies, être à l’écoute de ses patients. Elle ressentait ce besoin de le faire. De là me vint ma vocation. Non pas suivre bêtement son chemin mais créer ma voie et m’y épanouir. La transcender. Entamant ma dernière année je me vis offrir la possibilité de devenir infirmier pour l’université un moyen de toucher à la vie active et de finir mes études en toute sérénité.